Petit topo: je suis donc arrivé tout au nord du Cameroun, pas loin du lac Tchad, à l'intersection du Tchad, du Niger et du Nigéria. Si on regarder un carte, je suis plus loin de la Méditerranée: 2700 km en ligne droite jusqu'à Tunis. Juste un peu de sable à traverser, il y a 20 ans ça aurait été le clou du voyage. Mais actuellement, les différents conflits dans la région font que même en mettant de coté les problèmes d'autonomie et de navigation, toutes les routes sont fermées: le Tchad est une zone de non-droit, la Libye est devenue un marché aux armes d'occasion, le Niger est en proie au rebellions des touaregs et recueille maintenant les ex-mercenaires de Kadhafi en quête de boulot.
Quant à l'Algérie, elle est fermée au tourisme indépendant depuis l'enlèvement de 32 touristes en 2003 par un groupe qui est devenu AQMI, et qui essaime maintenant dans tous le Sahara et Sahel. J'avais un peu dans l'idée de traverser le Niger et le Mali, mais si c'est pour se prendre la tête avec la sécurité ça vaut pas la peine. Je change le programme et vais passer par le Bénin et le Burkina. Ensuite.. le Mali était sensé être sans problème, en tous cas le sud, le gouvernement et les rebelles ayant tacitement décidé de se partager le pays. Plus maintenant, après l'enlèvement de touristes à Tombouctou.
Mais forcément après un évènement qui fait la une, c'est la psychose, on verra quand ça se sera tassé. Pendant ce temps, les fusillades à Marseille on déjà fait plusieurs morts dont un dans la police, et pourtant j'ai pas vu le gouvernement déconseiller d'aller à Marseille.
Le Nigéria est aussi un peu craignos, à cause du groupe Boko Haram est très actif dans le états du nord qui ont adoptés la Charria. Ca se remarque immédiatement après avoir passé la frontière: tous les 3-4 km la police ou l'armée a installé un barrage et arrête tous les véhicules. Ca améliore pas ma moyenne. Et je renonce à ma technique habituelle du "bonjour - gaz", là les gars on le doigt sur la détente et ça m'étonnerait qu'ils hésitent à faire un carton sur un motard. Après tout ils sont aussi directement visés.
A part ça, au Nigéria les routes sont goundronnées. Enfin, étaient, comme ils ne les entretiennent plus dans cette partie du pays fortement délaissée par le sud riche, il vaut mieux rouler à coté de la route, c'est beaucoup plus facile.
Autre changement: les bagnoles. Au Cameroun, tout le monde roule en Toyota Corolla. Ici, c'est le pays de la 504!
C'est étonnant de trouver autant de Pigeot dans une ex-colonie anglaise, mais en fait jusqu'à récemment ils les construisaient localement. Bon, en même temps, c'est parce que le nord du pays est très pauvre. Plus on va au sud et moins on en voit.
Tous ces contrôles sont super casse-burnes, et en plus ils annoncent pas de lapidation publique pour les prochains jours, alors je pique au sud le long de la frontière Camerounaise et je change d'état. Les contrôles s'espacent un peu, on se fait arrêter plus qu'à l'entrée et à la sortie des patelins. J'arrive à proximité de Sukur, un site Unesco, l'occasion d'aller voir ce que c'est. Je crains pas trop pour les touristes, il doit pas y en avoir plus qu'une douzaine par mois qui se risquent dans ce coin isolé du pays. Déjà que le Nigéria n'est pas à la base très touristique.
J'arrive au bout de la route et je comprends à peu près que a suite se fait à pied, et avec un guide. Pas facile de se faire comprendre, il faut que je m'habitue à l'anglais nigérian. On m'amène vers le chef local, mais bon, on a pas grand-chose à se dire et je fais semblant de pas comprendre que je suis sensé lui donner un backshish ("dash" en nigérian). Ensuite on déniche le guide officiel, qui devait se taper une petite sieste dans un coin. Il m'amène dans l'"hôtel" officiel pour touristes. Je comprends que j'y échapperai pas, alors je négocie dur. Finalement ils sont pas trop en position de force, c'est vide de chez vide. Par contre ils refusent de démarrer le groupe.
Ce qu'on comprend vite au Nigéria, c'est que si on veut de l'électricité il faut la faire soi-même. Bien que le pays soit un gros producteur de pétrole, il y a de loin pas assez de centrales pour fournir le pays qui en est maintenant à 150 millions d'habitants. Même pour l'éclairage public des villes y'a pas de jus, ils ont installé un système de panneau solaire et batteries sur chaque lampadaire. Pas con. Mais encore faut-il ne pas se faire chourer la batterie..
Le lendemain le guide vient me chercher au petit matin et on part pour 1h1/2 de marche dans la montagne. Le chemin est clairement marqué, donc le guide est pas nécessaire mais ça donne du boulot à une personne. En arrivant, on fait chercher le roi pour demander la permission de visiter la "palais". Il vient d'être nommé suite à la mort de son père, mais il a pas encore été intronisé donc il a pas le droit d'y vivre. Après quelques échanges de politesse, on est autorisé à aller visiter les différentes cases qui forment le palais.
Le reste du village est moins intéressant, l'école, le bar où les pochetrons d'en mettent une. On est de retour avant midi, finalement c'était pas mal ça m'a dégourdi les jambes.
Je repars sur la route en direction de Abuja, la capitale. J'aime pas les grandes villes mais là je dois faire des visas. La route est dégueulasse, des nids de poule sur toute la largeur tous les 50m, c'est du slalom plus que de la conduite. En bagnole ça doit être l'enfer, un truc à se démonter le dos. L'avantage c'est que ça freine un peu les chauffards. Dès qu'on arrive sur une portion refaite, les bagnoles accélèrent à 140 minimum, et me dépassent n'importe comment si je vais moins vite. Pénible. Cette fois je décide de me camper dans la brousse. Pas évident, c'est quand même assez peuplé et je veux surtout pas attirer l'attention. C'est un truc à avoir la moitié du village sur le dos et je suis trop crevé pour ça.
Je la joue fineau et me trouve un coin nickel dans un lit de rivière. Peinard. Jusqu'au matin, quand le vent se lève. Ca doit être le harmattan qui arrive déjà.
Le jour suivant, je fais un petit détour par le seul coin un tant soit peu touristique du pays: le parc de Yankari. En fait je suis de nouveau le seul touriste, pourtant l'infrastructure est assez développée mais j'ai l'impression que c'est surtout utilisé pour des conférences ou séminaires pour les nigérians.
En théorie il y a de la vie animale dans le parc, mais en fait il semble qu'il reste plus grand chose, l'essentiel étant les babouins et les phacochères qui fouillent dans mes affaires. En plus je devrais payer une jeep pour moi tout seul. Je me rabats plutôt sur la source d'eau chaude, un merveilleux endroit où l'eau cristalline coule à 31 degrés.
Très, très cool. Avec une bonne bière fraîche, c'est parfait.
Je suis plus très loin d'Abuja, et par bol j'ai trouvé un plan pour squatter là-bas: un gars m'a contacté à travers un forum de bikers et quand il a vu que je venais au Nigéria m'a proposé de m'héberger. Très cool la communauté des motards.
Martin est un allemand qui bosse pour une grosse entreprise de BTP. Ils sont quelques centaines d'expats d'Allemagne ou d'Autriche à bosser pour cette boîte, et ils vivent tous dans une résidence protégée avec tout le confort occidental. Une espèce de ghetto chleuh au milieu d'Abuja, même le restau a un menu en allemand et sert des schnitzel et des wurst.. incroyable.
Comme ils se font chier le week-end, ils ont monté un petit club d'enduristes, le jeudi soir ils se mettent la misère au club house et le dimanche il font une virée dans les environs. Abuja est une ville crée à partir de rien pour en faire la capitale du pays. Elle est assez grande mais le trafic reste raisonnable et on est à des années-lumières du bordel de Lagos. Et surtout, en 20 minutes on est dans la nature.
Ils me proposent de venir avec eux, et Stéphane me propose même de prendre sa KTM 450 pour la journée. C'est clair que ça fait une différence énorme avec ma bécane, c'est kiffant.
On prend les tous petits chemins, et on se fait un premier arrêt dans le club house de la boîte au bord d'un lac. Première binouze. Ensuite nouvel arrêt en haut d'une colline où un collègue quat-quatriste nous offre une petite binouze.. c'était peut-être la troisième qui était de trop, parce que Martin essaie de faire un truc un peu au dessus de ses capacités et se viande comme il faut.
Finalement pas trop de bobos pour le pilote, par contre la Husaberg a pris cher.
Mais elle roule encore et on arrive à rentrer sans aide extérieure. Malgré tout, excellente sortie, et bonne ambiance générale.
Du coté des formalités, j'achète un visa pour le Bénin sans problème, mais les Burkinabés sont vacances 2 jours pour cause de fête nationale. Bon, en attendant je picole avec mes potes teutons et je bricole un peu la bécane. Stéphane dirige un atelier de tournage et il me bricole une pièce que j'avais perdue. Très très sympas toute c't'équipe, même si je suis un peu largué avec la langue, forcément.