Friday, April 20, 2012

Chez les Dogons


On avait l'adresse d'un guest house correct à Bandiagara, La Femme Dogon, avec le point GPS, donc y arrive directement sans s'arrêter dans le village, au grand désespoir des rabatteurs à l'affût de touristes qui se jettent quasiment sous mes roues pour nous arrêter ! Lorsque le marché du trek était au top, il y a 3-4 ans, les locaux ont senti le jack-pot et ouvert des dizaines d'auberges/guest house dans le village pour accueillir les hordes de randonneurs qui s'abattaient sur la région pendant la haute saison (novembre-mars). Actuellement la plupart sont fermées, ne reste que quelques morts de faim, un hôtel de standing qui ne connait pas la crise, et quelques valeurs sûres comme notre auberge, qui n'a pas trop à se plaindre. Evidemment les chambres ne sont pas données, mais ils nous laissent dormir sur le toit pour un prix très raisonnable.


Notre arrivée n'est pas passée inaperçue et les nouvelles vont vite dans le village; peu de temps après notre arrivée, alors qu'on commande 2 bières, notre guide se pointe pour fixer un rendez-vous pour le lendemain. Ca nous évite d'aller le chercher.

On part donc le lendemain matin, avec notre guide et des petits sacs à dos. L'infrastructure touristique est au point, on dormira les 2 nuits dans des chambres avec des lits, chaque petit village ou presque a au moins une auberge et servent à manger. Mais d'abord il faut traverser Bandiagara, avec un détour obligatoire par le marché de souvenirs et les classiques du folklore Dogon, comme les Ancêtres qui lisent l'avenir dans les traces laissées par les renards sur une grille tracée dans le sable. En fait, les vieux ont l'air d'avoir été envoyés là pour plaire aux touristes, qui s'attendent à les voir comme décrit dans le dépliant. C'est peut-être exagéré mais c'est un peu l'impression que ça donne.


En fait tout ce cirque a été lancé par un ethnologue français, Marcel Griaule, qui a vécu avec les Dogons pendant les années 40 et qui a publié des études qui ont un un gros impact en France et ailleurs. Il décrit les traditions, croyance, coutumes du peuple Dogon, la cosmogonie comme on dit dans les milieux avertis, tout cela écrit d'une manière très idéaliste et poétique qui fait rêver. Plus pragamatiquement, il a aussi appris aux Dogons à créer des retenues d'eau et à cultiver les oignons, à tel point qu'actuellement la moitié de la population semble-t-il travaille dans les innombrables champs d'oignon, bien plus importants que les cultures vivrières telles que le millet.


Ces mêmes histoires sont encore racontées mot pour mot par les guides, à tel point qu'il est difficile de ne pas se demander si ils les ont apprises en parlant avec leurs parents ou en lisant les bouquins de Marcel Griaule. En tous cas ce dernier est encore révéré par les Dogons - normal, c'est lui qui leur a amené une notoriété mondiale et une (modeste) richesses due au commerce des oignons et au tourisme, alors que les ethnies Peuls alentours, bien moins romantiques au yeux des occidentaux, vivent dans un dénuement le plus total. La quasi totalité des puits et écoles des villages qu'on a traversés ont été construites par des ONGs de France, Italie, Japon, Etats-Unis, etc..


Il n'en reste pas moins que les Dogons vivent encore très traditionnellement et simplement dans leur village, et restent encore relativement épargné par les joyaux de la technologie moderne qui défigurent les villes africaines: les scooters et les antennes satellites - mais pas les téléphones portables, faut pas pousser quand même. Un détail nous a frappé immédiatement: les gamins ne viennent pas demander de l'argent, ce qui est pourtant courant au Mali. Visiblement le message a passé que les touristes détestent ça et intelligemment, la consigne a passé de laisser les touristes tranquilles pour éviter de tuer la poule aux oeufs d'or. La contribution des touristes se situe dans le prix payé au guide, dont une partie est apparemment reversée aux collectivités locales. La seule exception est que l'on nous demande d'acheter un sac de noix de cola à distribuer aux vieux du village comme marque de respect. Le prix d'achat est bien entendu excessif, mais c'est le jeu.



Ceci dit, la ballade est très agréable, heureusement à cette époque il ne fait pas encore trop chaud. On traverse un ou deux villages, très bien conservés, on fait une bonne pause à midi, et le soir on s'arrête assez tôt pour profiter d'aller se promener dans le village. Enfin, en théorie on devrait toujours se balader avec le guide parce qu'il y a des "sites sacrés" qu'il ne fait pas toucher si on ne veut pas s'attirer les foudres (et le tiroir-caisse) des villageois.


On a croisé 1 ou 2 groupes de touristes le long du chemin et le soir, mais rien d'étouffant. La plupart du temps on était complètement seuls pour profiter du paysage et de la vie du village. Et se taper un coca ou une bière fraîche.. la civilisation en s'arrête pas aux porte du village.



Après 3 jours de balade j'en ai quand même marre, et je suis assez content de retrouver ma moto, garée sous bonne garde dans la cour de l'auberge. Une nouvelle nuit sur le toit sous les étoiles et on repart le lendemain pour Djenné, Ségou et Bamako.


Wednesday, April 18, 2012

Mali


J'écris ça alors que la situation au Mali, après deux années très tendues, a complètement dégénéré. Les rebelles indépendantistes touaregs et les islamistes ont expulsé l'armée malienne du nord du pays et pris le contrôle des villes principales (Gao, Tombouctou). On ne sait pas trop ce qui se passe dans le nord, mais le sud reste "sous le contrôle" du pouvoir de Bamako - ou ce qu'il en reste, après le coup d'état foireux des militaires. On a l'habitude des coups d'état en Afrique, des fois assez folkloriques, mais là c'est le top: les militaires prennent le pouvoir pour pouvoir lutter plus efficacement contre les rebelles du nord, et quelques jours plus tard ils se font botter le cul et perdent le contrôle des 2/3 du pays! Humiliés, ils ont été forcés de rendre les clés et retourner dans leurs casernes.

Heureusement ces milices armées ne disposent d'aucun support au sud du (fleuve) Niger. Les touaregs sont là en terre étrangère, et les islamistes sont plutôt mal vus dans ce pays où l'Islam est souvent encore mêlé de croyances animistes. En tous cas c'est ce que nous ont expliqué les Maliens d'autre ethnies: Bambaras et Malinkés autour de Bamako et au sud ouest, Bozos le long du Niger, Dogons et Peuls à l'est. De fait, on est restés au sud du Niger, ou sur sa rive nord, sans essayer d'aller jusqu'à Tombouctou où déjà la situation sécuritaire était délicate. Une ville icône mais qui n'est par ailleurs pas spécialement intéressante en dehors de pouvoir dire: j'y étais.


Rétrospectivement, je suis donc content d'avoir visité le Mali, car actuellement même dans la partie épargnée par les combats, le coup d'état et le chaos des militaires refluant en débandade on rendu le pays plutôt inhospitalier. Et contrairement aux insinuations de certains, ce n'est que le deuxième pays qui part en sucette juste après que je l'ai traversé (après le Yemen). La RDC et le Sénégal ont bien digéré leurs élections à risque, le Cameroun également.

Cécile devant reprendre l'avion de Ouaga, nous décidons de faire une boucle qui nous fait passer en premier par le pays Dogon, qui se situe près de la frontière burkinabé, puis de longer le Niger jusqu'à Bamako (pour faire quelques visas), et revenir par le sud du Mali et le sud-ouest du Burkina.



La route vers le nord est goudronnée, avant de devenir une excellente piste avant la frontière. Celle-ci est passée sans encombre et sans tracasserie inutile, ce qui est montre que les douaniers africains ne sont pas tous aussi corrompus qu'on le prétend. On croise un motard italien un peu space (le premier que j'ai rencontré depuis mon retour au Cameroun) qui prend à peine le temps d'échanger quelques mots, ainsi qu'un convoi de plusieurs véhicules italiens qui amènent du matériel au Burkina. Pour une raison que je ne connais pas, cette région est particulièrement populaire chez les Italiens.



Après ces formalités effectuées la piste nous rapidement au pied de la falaise de Bandiagara, c'est à dire au coeur du pays Dogon. La piste se transorme en une petite route étroite et pavée afin de pouvoir rejoindre sans encombre Bandiagara et les villes du nord, même en période des pluies où les pistes se transforment rapidement en bourbier impassable.



On avait prévu d'organiser un trek depuis Bandiagara, ce qui est le meilleur moyen de découvrir ce pays. Pas très original, c'est une destination phare des randonneurs de toute la planète, mais surtout de France: jusqu'à récemment, Point Afrique envoyait un avion plein de touristes chaque semaine depuis la France vers le petit aéroport de Mopti, spécifiquement pour visiter ce coin. Depuis les début des incidents dans le pays, et les avertissements du ministère des affaires étrangères, ces vols ont été interrompus et la destination retirée du programme des voyagistes. C'est tant mieux pour nous, qui avons développé une allergie prononcée pour le tourisme de masse, mais c'est une catastrophe pour les locaux qui dépendaient énormément (trop?) du tourisme. Ce n'est pas de leur faute, ils sont victimes comme nous de la géopolitique du Sahel, et même si il était possible de trouver des guides à prix cassé, on a décidé d'aller vers le bureau des guides officiels, qui ont des tarifs fixes, et assez chers. On réserve donc on tour de 3 jours - 2 nuits, bien suffisant pour moi qui n'est pas un fanatique du trekking,



Mais auparavant on doit faire un crochet par Mopti pour étendre notre visa provisoire. Le Mali a compris qu'il fallait faciliter l'accès à leur territoire aux touristes, contrairement à beaucoup d'autres pays, ce qui fait qu'on obtient très facilement et pour pas cher un visa provisoire de 5 jours à la frontière, qu'on peut ensuite étendre à un mois dans un bureau de l'immigration de Bamako ou de Mopti. Comme on était est le 30 décembre, on décide aussi de passer le Nouvel-An à Mopti, avant de partir dans la pampa.


On en profite pour observer la vie au bord du fleuve, le Bani, qui se jette dans le Niger à cet endroit. On se rend compte très rapidement que l'endroit a un solide passé touristique, parce qu'il est difficile de se promener sans se faire aborder par les rabatteurs des opérateurs de pinasse, ces bateaux qui naviguent sur le Niger. D'autant plus qu'on était presque les seuls toubabs (blancs). Le marché est particulièrement animé, étant un grand centre de transit de marchandises du nord au sud du pays, comme par exemple le sel amené des mines du Sahara jusqu'au fleuve par des caravanes de chameaux.


Et le poisson séché, vendu par les pêcheurs de l'ethnie Bozo dont c'est la spécialité.


Comme sur tous les marchés en Afrique, on trouve aussi des "pharmaciens" qui vendent toute sorte de mixtures sensées soigner à peu près tout - souvent le même produit qui soigne tout, des hémorroïdes aux ronflements. Cette fois, ils ont résolu le problème des ordonnances de médecin illisibles.


Un large chapitre est consacré aux affections bien connues des voyageurs, avec des distinctions subtiles mais directement compréhensibles même pour les analphabètes:


Et bien sûr un grand classique de l'Afrique, le médicament le plus populaire:



On se trouve un campement à Sévaré, à quelques kilomètres de là, tenu par un Français sosie de Boy George (désolé, pas de photo). Le gars avait lancé son affaire au moment du gros boum touristique, mais juste avant le début de la violence: depuis 2 ans il a presque plus personne, et maintenant que le pays en en guerre civile, il a probablement fermé et encaissé ses pertes..


Le niveau de vie s'élève un peu depuis que Cécile m'a rejoint, ce qui est pas plus mal. On cherche un endroit pour passer le réveillon, mais le choix est restreint. Selon nos renseignements, il y a un endroit en ville où un orchestre jouera (et qui sert de l'alcool). Finalement, l'endroit est à moitié désert et l'orchestre joue de la pop moisie. Dès minuit passé, on rentre dans notre tente et au dodo!


Le lendemain, on rejoint Bandiagara, point de départ de notre trek.