Tuesday, November 30, 2010

Ca commence à bouger

Aujourd'hui, un post un peu plus long, parce que c'est là que ça devient rigolo.



De retour de Wadi Hadramout et avec mon petit détour à Wadi Dohan j'arrive à Mukhalla assez tard. Je cherche les hôtels du Lonely Planet et ils sont soit pleins soit trop chers. En tournant en rond je tombe sur pil-poil ce que je cherchais: un hôtel pas trop classe avec un porche qui ferme par une grille, et sur lequel je peux parquer. La qualité des chambres passe après, la priorité c'est de trouver un parking sûr pour la bécane. Bon, les chambres sont OK, pas trop chères, il y a la clim et la douche - même avec de l'eau chaude.

Je repasse le soir à la police touristique pour me renseigner sur la situation entre Mukhalla et Aden. Un couple de motards y est passé un mois plus tôt, ils ont du attendre 2 jours qu'une escorte se forme avec un groupe de Landcruisers pour pouvoir traverser. Je trouve qu'un gars me dit que y'a pas de souci, enfin ce que je comprends en arabe. Mouais, je suis pas convaincu, il a pas l'air de savoir de quoi il parle.

Le lendemain je me lève tôt et je repasse à la police. A cette heure j'y trouve qu'un gars qui me redit la même chose: vas-y coco, la voie est libre.. bon, peut-être que c'est OK jusqu'à Bir Ali, une "station balnéaire" un peu plus loin, et que là ils me fourniront une escorte. De toute façon j'ai pas trop le choix. En fait, au premier check point près 20km je suis arrêté: le gars me demande d'attendre 10 minutes. Une heure plus tard, une bagnole de flic débarque. Bon, c'est ce que je pensais, j'ai perdu que 1h, il y a 600 km jusqu'à Aden, ça devrait le faire ("we're a hundred and sixty miles from Chicago, we've got a full tank of gazoline, a half pack of cigarettes, it's dark and we're wearing sunglasses").


Evidemment, il faut qu'ils fassent les cons avec mon casque.
On roule sans trop s'arrêter à un bon rythme, 100-110 km/h, jusqu'à un bled pourri à mi-chemin. Les gars m'emmènent manger au bistrot du coin, très local avec pas mal de mecs qui portent la Kalashnikov en bandoulière arrière, ça a l'air normal ici. Au moment de commander les keufs me demandent 2000 rials (10$), pour payer un plat de riz et poulet pour les 6! Oh là, on se calme, je sais que j'ai pas à payer pour leur bouffe, donc je refuse fermement. En même temps j'ai pas envie de me fâcher avec les anges gardiens, donc pour rester copains on fait fifty-fifty et je paie la moitié de l'addition. Finalement ils se barrent juste après, en passant le relais au flics locaux, donc j'aurais du les envoyer péter carrément. 
Non c'est pas des chiottes publiques, c'est le poste de police.
Bon, je repars avec une nouvelle équipe de 4 guignols armés de AK-47 dans un Toyota pas trop pourri. L'avantage d'avoir une escorte, c'est qu'ils m'ouvrent la voie aux check-point, et y'en a un paquet sur cette route craignos. Ca m'évite de m'arrêter, ôter mon casque, montrer mon passeport, répondre aux questions des locaux, etc.. je mets le iPod et rouler jeunesse.

Au bout d'un peu moins de 100 bornes, au milieu de nulle part, je vois 2 gars en civil au bord de la route qui me font signe de m'arrêter. Le Toyota des flics devant moi ne ralentit pas, donc je les suis comme d'hab, mais en passant devant eux ils semblaient super énervés, avec leur AK-47 en main.. là je comprends pas pourquoi mais les keufs s'arrêtent 100m plus loin, me disent d'attendre et font demi-tour pour aller discuter le bout de gras avec les 2 mecs. Je reste à distance pour pas interférer, mais la discussion s'éternise. De plus en plus de villageois débarquent, la plupart avec la kalash de rigueur à l'épaule. Ils me font signe de m'approcher donc je les rejoins. 
Ok, un bon coup de gaz et ils me revoient plus.. hmm.. mais une bonne giclée de 7.62 dans le dos..
J'arrive pas à comprendre quel est le lézard, mais les discussions sont plutôt animées entre les flics et les villageois. Certains me disent de les suivre, mais je refuse calmement en essayant de leur expliquer que je veux rester avec les flics. Ces derniers me disent de rester. Là je vois que les flics ont pas vraiment le controle de cette partie du pays, c'est une peu comme si une bagnole de keuf s'égarait dans les quartiers nord de Marseille en pleine nuit, y'a pas de quoi frimer. Finalement après 20 minutes de discussions au bord de la route, on décide (enfin, les gars avec les kalash décident) d'aller tous au village. Tant que les flics viennent avec et que ça s'engrène pas, ça devrait se passer pas trop mal.

Je pense qu'ils voulaient m'inviter à boire une bière, enfin c'est ce que j'imaginais mais comme l'invitation est passée en arabe, c'est peut-être aussi pas tout-à-fait ça. On s'arrête sous un arbre, et on m'amène des coussins pour m'asseoir et un verre de thé. Bon, c'est pas de la 1664 mais on fera avec. Les flics arrêtent pas de parler sur leur portable, c'est bon signe, leur poste doit être au courant. Heureusement qu'ils ont une bonne couverture GSM! J'attends tranquillement sans moufter pendant qu'ils parlementent. Je me sentais un peu comme un supporter du PSG qui est invité à boire un pastis sur le Vieux Port un soir de match. Mais en plus civilisé.

Arrive une autre bande d'amateurs d'armes automatiques russes, qui veulent m'emmener chez eux, à ce que je comprends ils ont du rosé au frais, mais visiblement les premiers sont pas trop d'accord, le ton monte mais les flics restent dans leur coin sans la ramener.

Tout ça dure à peu près 2h, quand ils commencent une espèce de réunion avec une vingtaine de gars en cercle. La conclusion c'est qu'on peut se barrer. Je sais pas trop ce qu'ils ont obtenus en échange, en tous cas rien de moi. Et ce qui est sûr aussi, c'est qu'ils ont rien à voir avec AQAP, ils sont juste en conflit avec le gouvernememt, comme me confirmera le chef de la police a Sana'a quelques jours plus tard.

Je remonte en selle, les flics prennent quelques passagers et on revient sur la route. Le chemin a entretemps été barré par des pierres et de branchages, mais on fait le tour et on débarque sur la route au milieu d'un vingtaine de militaires et de flics. Un officier me sert la main et me sort un "mafi moushkileh" assorti d'un grand sourire. Pas de problème, ouais bien sûr, alors c'est pourquoi les 4 pick-ups armés de mitrailleuse lourdes, hmm ? Bref, ce que je comprends c'est qu'on doit se barrer vite fait avant que ça dégénère, donc avec 2 pick-ups militaires devant et 2 derrières, on part à 140 km/h pour rejoindre le dernier check-point à 15km d'Aden. Dernière poignée de main et je suis libre de finir en solo.




Mais tout ce bigntz ça m'a plombé mon planning et j'arrive à la nuit tombante. En comptant les arrêts et les détours, ça me fait une journée de 12h, donc j'étais un peu casé. En plus, c'est la cérémonie d'ouverture de la coupe de foot du Golfe, y'a des militaires à tous les coins de rue, mais surtout les hôtels sont pleins. Finalement je lâche 30$ pour une chambre correcte dans un endroit pas trop moisi.

Le lendemain je pars à la recherche du permis pour la route vers Sana'a. La route est nettement moins craignos, mais il faut quand même un permis. Je me fais balader d'un poste de police à l'autre jusqu'à trouver le bon endroit, mais y'a encore personne. J'en profite pour discuter avec un vendeur de thé qui a vécu en Algérie et donc parle un peu français. On évite le sujet qui fâche, la tôle qu'ils ont pris face à l'Arabie saoudite la veille. Finalement le fonctionnaire arrive, un vieux qui a été faire des études à Moscou et veut absolument me perler en russe. C'est les restes du communisme du sud Yémen. J'empoche mon sésame, mais ça m'a déjà bouffé une bonne partie de la matinée. Aden est vraiment pas terrible, et surtout chérot, donc je me barre quand même par un beau soleil et une température de 33 degrés.

La route fait que 400 km, mais elle monte par des cols super raides où les camions avancent au pas, donc je suis encore à 50 bornes de Sana'a quand la nuit tombe. On est à 2000m d'altitude et il fait un peu frisquet, d'autant plus que la nuit tombe. Un dernier col à passer et… je me chope un monstre orage. La température tombe à 8 degrés, faut que je m'arrête pour sortir mes habits de pluie que je traîne depuis la Géorgie, au moins je sais maintenant pourquoi. Je fais les derniers 30 km dans la nuit en essayant d'éviter les voitures qui roulent sans phare, les trous dans la route et les chèvres qui traversent. Pas glop. Je flippe vachement plus que le jour précédent dans le village des collectionneurs d'AK-47. A mon avis il doit y avoir chaque année beaucoup plus de morts au Yémen à cause de M. Toyota qu'à cause de M. Kalashnikov.

J'arrive donc à Sana'a de nuit pour essayer de trouver un hôtel correct pour quelques jours. Le Lonely Planet est pas très utile, j'évite la vieille ville qui est certes charmante, mais pas idéale pour planquer ma brêle. Coup de bol, je tombe sur un hôtel pas trop cher qui me laisse parquer dans le lobby.

Et donc voilà où j'en suis actuellement, la prochaine galere: décrocher les visas pour Djibouti et l'Ethiopie. Djibouti est tellement cher que j'ai l'intention de faire que passer et enquiller l'Ethiopie dans la foulée. Pas de problème pour Djibouti, j'ai même été dire bonjour au consul. Mais ce que j'ai appris, c'est que ces enfoirés d'éthiopiens ont changé leur politique de visa en début d'année, et ils ne servent que les résidents du pays! Quel que soit le pays d'ailleurs la situation est pareille à Djibouti. Donc je suis nique, à moins d'envoyer mon passeport par DHL en Suisse pour faire faire le visa et me le renvoyer, c'est un coup à 100€ de frais de transport au moins. Sauf que.. depuis la petite plaisanterie des cartouche d'encre remplies d'explosif, DHL et UPS ont arrêté leurs opérations depuis le Yémen!

J'avais eu le même problème il y 4 ans au Tadjikistan, et le consul suisse m'a aidé à débloquer la situation. Mais ici il n'y a pas d'ambassade, le pays est traité depuis Riyadh, et visiblement ils sont plus préoccupés à faire du business avec les saoudis que d'aider leurs compatriotes parce qu'il m'ont envoyer péter. Reste le consul honoraire ici à Sana'a, mais c'est pas gagné, il est pas autorisé à agir officiellement. Si ça marche pas je vais devoir penser à acheter un camion pizza et m'installer dans le coin. Ca fait déjà 10 jours que je traîne ici, je commence à connaître les restaus locaux où je me fais pas escroquer, les cafés internet corrects et les menus Windows en arabe ("non" à droite, "oui" à gauche), mais questions relationnel c'est pas top: très peu de touristes et d'expats, et encore moins de locaux qui parlent anglais. Je suis tombé par hasard sur un sud-africain un peu mytho qui prétendait travailler pour la banque mondiale, mais au moins il m'a montré le quartier juif et le coins des éthiopiens, donc je sais maintenant aussi où trouver du café correct (chez les éthiopiens, pas chez les juifs, qui de toute façon sont partis depuis longtemps).

Ah oui, et forcément comme tout le monde ici j'ai regardé le classico à la télé (piratée bien sûr), avec commentaires délirants en arabe. "Khamsah - sifr", "khamsah - sifr", .. bon, ça fait deja 2 nombres que je peux dire en arabe, je progresse.

Monday, November 29, 2010

La vie au Yémen



Je glande un peu à Sana'a en attendant de résoudre un problème de visa (pour changer), alors voilà quelques impressions du pays, en attendant de continuer mon récit. D'autant plus que blogger.com a enfin résolu ses bugs d'éditeur (c'est pas trop tôt) et j'ai trouvé un café internet qui me laisse plugger mon laptop, ce qui est plutôt rare. Mais les débits restent merdiques, faut pas être presser pour uploader de la vidéo..



Yemen est très différent des Emirats et d'Oman. D'abord, ils sont plus pauvres; ils ont du pétrole, mais pas tant que ça, et la plupart des gens vivent très simplement. Evidemment, avec 40% de chômage et un niveau de vie assez bas, il n'y a pas de travailleurs immigrés indiens/pakistanais comme à Oman et surtout à Dubaï; juste quelques réfugiés somaliens. Mais ça ne veut pas dire pour autant que la vie est super-bon marché: les yéménites adorent escroquer les étrangers, donc il faut se battre sans arrêt pour avoir le vrai prix. Après quelques jours, ça commence à rentrer, 30 pour un thé ou un trajet en bus, 50 pour un shawarma mouton, 100 pour un au poulet, etc.. Jusqu'à présent c'était assez cool, autant en Iran que à Dubai et Oman. Mais à partir de maintenant faudra prendre le pli: se fait avoir jusqu'à ce qu'on apprenne quel est le prix correct, et ensuite tchatcher.



Les yéménites sont habillés différemment aussi: les hommes portent le ma'waz (pagne) avec chemisette (et une veste à Sana'a où il fait pas chaud), et souvent l'amamah (turban) ou un bonnet sur la tête. Beaucoup plus rarement le thaub. A Sana'a en particulier, ils portent par dessus presque tous le jambiya, le poignard traditionnel, tenu sur le ventre par une large ceinture. Dans le sud du pays c'est plus rare, l'AK-47 est plus populaire (et plus pratique pour buter son voisin). Mais le jeans/t-shirt est aussi populaire, contrairement à Oman où absolument tous les locaux sont en dishdasha.



C'est pas un épouvantail, y'a une femme là-dessous


Les femmes yéménites elles sont à 100% en abaya et burqa, avec à peine les yeux qui dépassent, même dans la capitale. Les seules qui portent juste un voile sont visiblement des étrangères, probablement somaliennes ou éthiopiennes. Les occidentales (les 2-3 que j'ai croisées) elles sont libres de laisser leur tête nue. Au Hadramout, quand elles vont travailler au champ en plein cagnard, elles gardent bien sûr l'abbaye noire, mais se protègent un peu avec un curieux chapeau de paille pointu. C'est extrêmement difficile de les photographier, lorsque je me suis arrêté au bord d'un champ et que j'ai sorti ma caméra, elles ont commencer à hurler et une a même plongé derrière les plantations comme si j'avais dégoupillé une grenade. C'est un peu ridicule, parce que si elles se donnent tellement de peine pour se cacher derrière leur burqa, elles devraient s'en foutre qu'on les photographie. C'est clairement le pays que j'ai visité le plus intransigeant aux niveau des femmes, bien plus qu'en Iran par exemple. D'où le choc quand je suis rentré dans un café éthiopien, où de charmantes femmes non voilées nous servent le café avec le sourire.. (même si elle aimait pas trop être prise en photo elle a pas pété une durite elle).

Cérémonie du café éthiopienne.

Quant à la circulation, elle est complètement chaotique, ça se rapproche de l'Iran, mais avec d'autres règles informelles qu'il faut apprendre si on veut pas se fritter. Rien à voir avec Oman: à Muscat c'est la première fois depuis que j'ai quitté la Suisse pour Marseille qu'une voiture s'arrête pour me laisser traverser la route. J'en croyais pas mes yeux. Au Yémen par contre, il doit y avoir chaque année beaucoup plus de morts dû à M. Toyota que M. Kalashnikov. Les véhicules sont presque tous pourris, et ils roulent sans phare la nuit. Normal. Ce qu'on rencontre le plus (en dehors de Sana'a bien sûr) c'est le bon vieux Landcruiser  BJ40, un véhicule mythique et increvable:

Option Satellite!
Ils ont aussi les derniers modèles bien sûr, mais par contre leur tuning est pas complètement au point:



Pas d'alcool non plus, bien entendu, sauf éventuellement dans les grands hôtels de Sana'a, mais ça ne me manque pas tellement que je paie 5$ la bière. Leur truc à eux c'est le qat: à partir de midi, ils se remplisse la gueule de feuilles de qat qu'ils gardent comme ça toute l'après-midi, ce qui est sensé les exciter mais qui en fait les ramollit pas mal du cerveau. En plus c'est assez dégueu quand ils te parlent avec leur bouillie verte qui leur sort des dents. Ca me rappelle un peu le pan des Indiens.




Question sécurité c'est pas encore ça. C'est pas tellement AQAP qui pose problème, quoiqu'en dise les Américains. C'est les tribus locales qui sont en conflit avec le gouvernement (comme je le verrai de première main..). Particulièrement au nord à Sadaa où les Houthis shiites revendiquent leur indépendance et se frittent avec l'armée. Mais aussi à l'est de Sanaa et entre Mukhalla et Aden. Sana'a est calme apparemment, à part peut-être les objectifs habituels comme les employés de l'ambassade Américaine, par exemple. De toute façon y'a bien trop peu de touristes, j'ai du en croiser un dizaine maximum à Sana'a en une semaine, et aucuns dans le reste du pays. C'est dommage, parce qu'entre 1994, fin de la guerre civile, et 2004, le pays était très facile à visiter. Ca ira mieux quand ils auront plus besoin de vendre leur qat avec un AK-47 sur les genoux. 


Au Yémen comme partout ils adorent la télé, dans tous les hôtels même les plus pourris, y'a la TV avec sat. Et parmi les 534 chaînes en arabe, y'a la BBC, CNN et TV5 monde.. et surprise, ils passent les matchs de l'OM en direct. Et bien depuis que je regarde les matchs, ils arrêtent pas de gagner! on peut vraiment pas s'absenter 5 minutes.. Ici ils aiment aussi le foot, comme partout (bon, pas en Inde, mais presque partout). Le gros truc du moment c'est le "Gulf 20", le championnat des 8 pays du golfe qui passionne les foules. Un peu moins certes depuis que le Yémen s'est fait sortir au premier tour (malgré la présence du no. 10 "Al Nono" ;-). Cette année (le 20ème) ça se passe au Yémen, mais comme Sana'a est à 2300m d'altitude, trop haut pour jouer des matchs internationaux, ils ont construit un putain de stade à 200 millions de dollars à Aden pour l'occasion. Il est à 50 km du centre ville au milieu de nulle part, relié par une autoroute toute neuve et totalement inutile sauf pour aller au match..! 


Je vous laisse voir les photos de Sana'a sur l'album, je finis avec une petite vidéo de la vie de tous les jours.

Sunday, November 28, 2010

Yémen - Hadramout



Je rentre au Yémen comme un doigt dans le cul. Juste une assurance de 2 rials (4€) à payer, je refile mon reste de monnaie (1,5 rials) et il me tamponne le papier.



La route suit la côte jusqu'à Mukhalla en passant pas quelques villages de pêcheurs. Pas d'escorte ou de permis, la région est calme.


J'arrive pas à faire les 600 bornes d'un coup, donc petite nuit en hôtel dans une ville moisie, et arrivée le lendemain à midi à Mukhalla. La ville est pas super intéressante, je préfère aller au Hadramout, au nord. Là en principe ça commence à craindre un peu (la famille Ben Laden est originaire de là-bas), des touristes coréens se sont fait flinger y'a quelques temps, donc je vais à la police me renseigner sur la situation. Un ou deux coups de fil plus tard, je suis libre d'y aller tout seul, visiblement ça s'est tassé un peu. N'empêche, le gars qui pose avec sa Kalash sur le panneau d'affichage du poste, il faut pas monter dans sa voiture.



Celui-la a l'air plus cool, de maniere générale les gens sont super gentils.



Je passe quand même une bonne dizaine de check-points en route. Chaque fois ça se passe de la même manière: le soldat m'arrête, me demande mon passeport et appelle le flic (il est en civil, c'est comme ça qu'on le reconnait). Celui-ci prend son portable et appelle Mukhalla pour savoir si je suis OK. Comme on est l'après-midi, les gars sont déjà un peu pétés au qat, donc c'est des fois un peu confus. Mais ça passe chaque fois.



J'arrive au wadi Hadramout au soleil couchant et le paysage est absolument magnifique. Je m'arrête pour faire des photos, mais du coup il me reste 1h de route alors que la nuit tombe. Je décide de camper dans la pampa, malgré l'insécurité de l'endroit, ce qui aurait certainement pas trop plu à la police. Mais le truc c'est d'arriver de nuit et repartir de nuit, sans se faire remarquer, et on est tranquille. Le paradoxe de l'escorte est que là où on passerait discrètement tout seul, on se fait autrement plus remarquer en compagnie d'un véhicule de police.



Je décolle donc à l'aube par un petit 12 degrés, pour admirer le lever de soleil sur Shibam, top classe.



Shibam est une ville faîte de maisons traditionnelles de brique et boue, sur 6-11 étages, qui lui donne le surnom de "manhattan du désert". Bon, faut pas exagérer, y'a même pas de McDo. Juste des vendeurs de qat et un stand de thé.



Il faut s'imaginer l'équivalent du Mont St-Michel ou de Carcassonne. Il y'a 5-6 ans, on devait trouver des cars de Japs et des Allemands en short partout. Là, j'ai pas vu un touriste en 2 jours, vu la situation actuelle, pour moi c'est juste parfait! Par contre les locaux tirent un peu la gueule. Ils sirotent du thé sur la place du village en jouant aux dominos, sans même ouvrir leur boutique. Un gars me raconte qu'il a eu jusqu'à 4 magasins, mais aujourd'hui plus qu'un. Et fermé, ils savent exactement si et quand un touriste arrive, et là y'avait que moi. Donc tchai.



Un mec habillé en uniforme se pointe quand même et me sort un vieux carnet de tickets moisis pour me vendre un billet à 500 rials (2,5 $). Je le convainc assez facilement de retourner à son thé, il est pas trop motivé pour insister.



Je m'annonce à la "tourist police" du coin, et un gars avec une petite voix ridicule et la gueule pleine de qat m'accueille et me donne sa carte:



Je crois pas qu'il donne à "manger", ça doit être une erreur de traduction qui a echappé à sa sagacité..



..ah ouais, la calligraphie arabe, ça a quand même plus de classe.



Je fais le retour par le Wadi Do'an, qui est parsemé de villages typiques accrochés aux parois du wadi. Arrivée à Mukhalla à la nuit tombante (de nouveau), et hôtel avant de faire la route jusqu'à Aden, qui traverse une partie particulièrement instable du pays.



Un peu plus d'action donc dans le prochain numéro..

Tortues et wadis

Friday, November 26, 2010

Eid

Pas de suspense sur l'obtention de mon visa: je l'ai eu, je suis donc arrivé à Sana'a (non sans quelques péripéties, mais ça sera l'objet d'un autre post), comme le montre la carte google.

Mais j'ai du encore attendre 3 jours, y compris le week-end, pour que le papiers arrivent à l'ambassade de Muscat. Pas question de glander au Starbucks pendant ce temps, même si la lecture de la presse est toujours intéressante:



Donc je charge et je pars pour un peu de wadi bashing au Wadi Sathan. J'ai trouvé l'endroit nickel pour monter ma tente, au pied du Jebel Shams et j'y reste 2 nuits jusqu'à la fin du week-end (qui va du jeudi au vendredi, d'ailleurs, contrairement au Emirats où c'est vendredi-samedi).



J'en profite pour faire la route jusqu'à Yasib, qui fait des lacets sur la face du Jebel Shams pour grimper de 500m sur 2km. Ca nous fait quand même du 25% de pente moyenne dans la caillasse..



Je retourne à l'ambassade le lundi.. euh le samedi donc, mais le papiers sont toujours pas là, une panne de courant à Sana'a selon le gars. Mouais, bon, encore une nuit d'hôtel à Muscat, c'est pas donné. Du coup le lendemain je débarque à 9h à l'ambassade tout chargé: ok, cette fois ils ont reçus les papiers. Ils me disent de revenir dans 2h, mais je reste dans la salle d'attente, pour les stresser un peu. Ca marche, 1/2h après je reçois mon visa, et je décolle pour Salalah dans le sud, une petite liaison de 1000km à travers le désert.



En fait pour y aller c'est pas trop compliqué: d'abord 170km à travers les montagnes, un rond-point, 800 km tout droit dans le désert, un rond-point, et tout droit 80 km. Pas moyen de se faire un noeud au cerveau. Bon, j'y vais tranquillou, un petit 110 km/h histoire d'économiser l'essence les pneus. Les locaux, eux, ils sont à 160 dans leur landcruiser V8.



Ca doit même être un peu la compèt, parce qu'à Salalah, en voyant ma bécane, ils me demandaient combien de temps j'avais mis pour venir, attendant une bonne perf vu l'engin. Un peu déçus quand je leur dit que j'ai mis 2 jours.. mais comme je suis parti un peu tard, j'ai bivouaqué à mi-chemin au pied d'une station de pompage de pétrole (à l'arrêt bien sûr). Y'a pas grand chose sur la route, à part 1 ou 2 bleds où logent les ouvriers du pétrole, mais globalement c'est surtout plein de vide.



En arrivant à Salalah le changement de décors est brutal: d'abord c'est les bouses sur la route qui font bizarre. Ensuite, des vaches et de l'herbe, de la vraie.. en fait l'endroit se prend une queue de mousson pendant l'été donc il est bien arrosé. Et surtout des chameaux partout. Des troupeaux de douzaines de têtes un peu partout, et surtout sur la route. Gaffe.



Paysage très différent, ça sent la savane Africaine, y'a même un ou deux baobabs qui poussent. Le physique des locaux se modifient également, on en voit de plus en plus à la peau noire, typé très Africain. Ca ressemble aussi pas mal à l'Inde, d'autant plus que je rencontre presque que des Indiens. Les Arabes restent chez eux pour fêter l'Eid et les Indiens qui sont très nombreux à Oman ont congé et donc profitent de se ballader en famille, pour ceux qui ont la chance d'avoir le famille avec eux.

L'Eid est une fête où les Omanis - et tous les musulmans d'ailleurs - trucident un mouton / une vache / un chameau et bouffent de la viande pendant 4 jours. Théoriquement, on donne 1/3 aux voisins, 1/3 aux pauvres et on garde le dernier tiers. Mais comme y'a pas tellement de pauvres à Oman et qu'on reçoit sa part de ses voisins aussi..



En principe on doit tuer la bête soi-même, mais personne dit qu'il faut laisser la dépouille au bord de la route. J'ai pas compris si il y avait un service de ramassage des entrailles de chameau, mais je préfère pas rester dans le coin, avec la chaleur qu'il fait ça va pas tarder à schlinguer.

D'autres profitent de l'occasion pour promener leur chameau en laisse. Mais pas question de marcher, on est à Oman.



Pas grand-chose à voir à Salalah même, mais un joli cimetière autour du mausolée de Bin Ali.



Une dernière nuit sur une plage magnifique et déserte (encore une), et le lendemain je pars tôt pour la frontière yéménite.



Prochain numéro: Yémen.

Saturday, November 13, 2010

Porte de sortie


C'est pas qu'on s'ennuie à Oman, surtout que Cécile est venue me rejoindre, mais faudra bien que j'avance et que j'arrive en Afrique un de ces 4, histoire de justifier le titre de ce blog.

Je suis pas loin, y'a juste le Yemen ou l'arabie Séoudite à traverser. Le Yemen avait ma préférence depuis le début, beaucoup plus intéressant que le désert saoudien, d'autant plus que la Mecque et Medine sont interdits. Pire que ça, les visas touristiques sont attribués au compte-goutte, les visas de transits également.

Entretemps, la situation s'est encore compliquée au Yemen, les Américains envoient des drones leur balancer des bombes à la gueule, et les Yéménites les renvoient par UPS dans des cartouches de toner. Du coup le Yemen a décidé de ne plus accorder de visa sauf après démarches spéciales auprès du ministère des affaires étrangères et de l'intérieur. A Sanaa, donc. Ca m'arrange pas vraiment.

A Dubai je me suis mis au boulot et trouvé une agence qui veut bien m'arranger le coup.. pour 1000$ ! Selon eux j'ai pas le droit de rouler au Yemen, ils sont responsables de moi, et donc ils veulent envoyer une bagnole charger ma bécane à la frontière et m'escorter jusqu'à la Sana'a, la capitale. Et y'a 3 jours de route entre les 2. Pas glop, je peux pas me permettre ce genre de dépense, d'autant plus que c'est super casse-burnes de faire du taxi. Et quelque part, je subodore le gars qui essaie de la jouer fine pour rentabiliser son chauffeur, vu que les touristes actuellement doivent être aussi rares qu'un sex-shop dans les rues de la Mecque.

En parallèle, je vais tâter le terrain au consulat d'Arabie Saoudite. Une sacrée bande d'enfoirés qui ne daignent même pas me parler et me virent comme un mal propre. "Si t'es pas résident aux Emirats, tu dégages". Bon, d'accord. Qu'ils gardent leur désert, ces sodomites.



C'est sur cette série d'échecs que Cécile débarque, pas pour faire du shopping mais pour une virée à Oman. Malgré l'accueil de Peter et Miriam on se barre vite fait vu que y'a vraiment rien à faire a Dubai après 2 jours à s'émerveiller de la débilité de l'endroit. On verra bien à Muscat..



Oman est vraiment magnifique, et complètement à l'opposé de Dubai: on rencontre des locaux partout dans la rue, qui ont de boulots normaux et se mêlent à la population, très chaleureux et parlant souvent anglais. Ils sont chauffeur de taxi, pêcheurs, tiennent des restaurants, travaillent sur les chantiers, etc.. toujours habillés en dishdasha et avec leur bonnet traditionnel ou le turban autour de la tête.



Contrairement aux Emiratis, qu'on voit qu'exceptionnellement en dehors de leur bureau ou leur 4x4 de luxe. Les 4x4 à Dubai, il doivent pas souvent voir le sable, et pourtant on voit que ça. C'est un peu comme si tu portais une capote tous les jours pour la rare fois dans le mois où tu te lèves une gonzesse.

A propos, les femmes à Oman sont pas beaucoup plus visibles, elles portent l'abbaya (robe noire) et souvent aussi la burqa style Bandari, donc portée avec un masque.



Pas facile pour moi de rentrer en contact, mais Cécile par contre est souvent abordée. Elle s'est même essayée au port de la burqa.



Bon là sans la robe ça fait plutôt S/M, pas sûr que l'imam du coin apprécie.

Comme aux à Dubai, à Oman il y a aussi énormément d'Indiens ("too much Indians" comme disait le militaire qui nous a invité à manger), mais les locaux semblent encore être en majorité. Les restaurants sont souvent tenus pas des indiens du Kerala, ou des pakistanais pundjabis, donc c'est très facile de manger très bien et pour pas cher. On peut même manger pour rien du tout quand on se fait inviter, comme les 2 jours qu'on a passé sur l'île de Masirah. L'île est un paradis pour les pêcheurs, qui viennent de toute la péninsule arabique pour profiter des euax hyper poissonneuses. Là on est tombé sur un emirati, un pilote d'hélico à la retraite (il devrait avoir la quarantaine.. hello Sarko ?) sur la plage qui nous a refilé un barracuda pour le lunch. Et comme on était un peu emmerdés pour le cuisiner, un des locaux nous a emmenés dans sa "maison de campagne" au bord de la plage et l'a cuisiné pour nous. En fait, il faisait partie de l'équipe engagée pour la partie de pêche. Il est reparti en nous laissant la maison, on pouvait en profiter autant qu'on voulait. Cool, du coup on est restés 2 jours!



Le soir on a vu débarqué un sheikh qatari (ou bahreinais, je sais plus) qui était aussi général commandant de l'armée de l'air. Il vient là une semaine par mois pour pêcher, l'est pas trop stressé le gars. Mais très cool malgré tout, il a amené plein de fruits frais et on a bu le thé ensemble. Le soir suivant c'est toute une équipe de pêcheurs du coin qui s'est invitée (toujours pas de femme à l'horizon, c'est uniquement pour les mecs), avec 2 langoustes dans le coffre braconnée hors saison: et hop, faites pêter le grill.



En plus des belles plages, le nord du pays autour de Muscat est très montagneux, et plein de vallées encaissées (wadi) avec une rivière au fond. Ils manquent pas d'eau par là-bas. En 2 semaines on a dû se baigner à peu près tous les jours, soit dans la mer (super chaude), soit dans les vasques des wadis (un peu plus fraîches, j'ai même chopé la crève).



En Iran j'avais rencontré un groupe de 4x4istes polonais qui m'avaient parlé de Oman: selon eux c'était cher et peu accueillant. Pour moi c'est tout le contraire, donc ça dépend vraiment de comment on aborde le pays.

Question budget, la bonne nouvelle c'est l'essence: toujours moins cher, 0,24€ le litre. Mieux que Dubai (0,34€) ou l'Iran (0,4$ / 0,30€). Je fais le plein pour le prix de 2 litres en Turquie, faut en profiter, ensuite ça va remonter brusquement.

Bon, et mon visa avec tout ça ? Lors de notre passage à Muscat, j'ai été refaire un scan du web sur les forums spécialisés et là coup de bol: je vois le message d'un gars qui fait la même route que moi et qui vient de se faire préparer un visa pour le Yemen par une agence. Il a appelé 20 agences différentes jusqu'à ce qu'une accepte de faire les papiers sans exiger d'escorte. Banco, je lui demande des détails: il répond depuis le Yemen donc ça a l'air d'être le bon plan. Je contacte l'agence à Sana'a et le gars me dit: "pas de problème, ça fera 300$". Ah ouais quand même. Mais bon, c'est la meilleure proposition que j'ai eue jusqu'à présent et je suis pas trop en position de marchander. Je lui vire donc les thunes et 2 semaines après, le visa devrait être dispo demain matin.. Insh-super-Allah.

Ce serait bien que ça le fasse, parce que l'Eid approche, et que tout va fermer pendant une petite semaine, le temps pour les locaux d'égorger et de bouffer une vache ou un mouton. Ensuite ils enquillent avec la fête nationale, qui est aussi (coïncidence?) l'anniversaire du sultan (non, c'est pas le nom d'un chien, c'est le titre du taulier ici). Encore un pays qui n'a pas de démocratie, qui vit très bien sans et qui ne demande pas à tout prix à voter. Qui a dit que la démocratie était le rêve de tout être humain ? bon, le sultan en question a l'air un peu plus cool que Saddam, OK, mais les Yankees feraient bien de réfléchir à ça avant d'essayer d'organiser des élections bidon dans des pays foireux à coup de mortier lourd.



PS: je vous ai épargné les "il vaut mieux être à Oman qu'au Man" et autre calembours moisis. Mais au fait, il fait beau chez vous ? parce qu'ici, mieux ce serait insultant: soleil, un petit 30 degrés la journée, 23 la nuit. Ah oui, quand même, un putain d'orage qui nous a rincés le seul jour où on roulait en t-shirt. Note, c'est mieux, 1 heure après on était sur la plage à sécher au soleil..